Les secrets des passes du bassin d’Arcachon

Goulet de 3 km de large et 9 km de long, l’embouchure du Bassin d’Arcachon est une zone sableuse à la géographie très variable, en évolution permanente.

Les chenaux reliant le Bassin sont appelés la « Passe Sud » qui se situe entre le Banc d’Arguin et la Dune du Pilat et la « Passe Nord » qui se situe entre le Banc d’Arguin et le Banc du toulinget, ces chenaux permettent aux navires de rentrer et de sortir du Bassin, Pas sans mal !! effectivement elles sont les zones de navigation les plus dangereuses d’Europe.

Zone de navigation dangereuse car elles sont encombrées par des bancs de sable mouvant, en effet quatre fois par jour avec le mouvement des marées, il entre 370 millions de m3 d’eau dans le Bassin, la vitesse du courant peut atteindre 6 km/h et la différence de hauteur d’eau entre les marées à gros coefficient atteint 4.55m (c’est la marnage). La combinaison, du courant de marée, de la houle venant du large et du courant littoral nord/sud changent en permanence les bancs de sable de place et changent également l’aspect du trait de côte. De plus, la différence de profondeur entre l’océan et le Bassin d’Arcachon (25 m d’écart) crée une zone de ressac extrêmement dangereuse.

D’où vient tout ce sable ?

-Sous l’effet de la houle venant du large et d’un courant littoral nord/sud, environ 450 à 750 m3 de sables arrivent tous les ans le long de la côte Aquitaine. Ce mouvement est appelé « dérive littorale ». Ce sable est constitué de 98% de quartz et provient de l’érosion du granit des massifs montagneux (Pyrénées et le Massif central).

 C’est la passe Nord qui est utilisée par les navires professionnels ou de plaisances pour entrer ou sortir du Bassin, pour entrer dans le Bassin d’Arcachon il est conseillé de se présenter 2h30 avant la pleine mer, la pleine mer étant le moment le plus favorable et qui permet de bénéficier du courant de flot, il ne faut jamais entrer à contre-courant. La sortie du Bassin se fait au moment de la pleine mer, c’est à ce moment que se produit une courte période de calme et qui permet son passage. C’est en effet à ce moment-là qu’il y aura le maximum d’eau sous la quille, ceci est important car les fonds sont très faibles. Son franchissement est dangereux avec les vagues venant du large, la force du courant et les bancs de sable, une vraie machine à laver !!

 En période d’hiver, il est possible que les passes soient impraticables, les navires professionnels ne s’y aventurent pas et vont débarquer leurs pêches dans le Pays basque. Ensuite le poisson est rapatrié à la criée d’Arcachon par transport routier.

Malgré le côté mouvant des bancs de sables, la puissance et la force du courant et de la houle, le Bassin d’Arcachon ne se referme pas, il reste un plan d’eau de grande taille communiquant avec l’océan, en effet le Bassin d’Arcachon ne se referme pas pour devenir un lac, cela s’explique par l’apport d’eau douce qui vient de la Leyre (rivière landaise à l’origine du Bassin), à l’importance des courants de marées au niveau des passes et par la structure du sous-sol (présence d’une faille et de grands plissements des couches de roches).

L’eau du Bassin n’est ni douce, ni salée, elle est saumâtre. L’eau douce provient de la Leyre (rivière débouchant dans le Bassin d’Arcachon), des petits ruisseaux et des crastes (fossés creusés pour drainer) ainsi que des canaux reliant le bassin aux lacs et étangs et l’eau salée provient de l’océan Atlantique.

Quelques histoires de naufrages dans les passes

Depuis les temps les plus anciens, les passes évoquent des naufrages, des noyades, des larmes, des drames et du malheur à cause de l’entrée du Bassin d’Arcachon qui est hautement périlleuse. De nombreux naufrages s’y sont succédé, et encore chaque année. Avec son passage étroit, haché par des rouleaux qui se fracassent sur les hauts fonds, ses vagues lourdes chargées de sable qui s’entrechoquent, le vent qui se lève et nous voilà dans une vraie machine à laver.

De 1830 à 1845 pas moins de quinze navires sombrèrent dans les passes du Bassin d’Arcachon avec la mort de 175 marins

-En mars 1836, un drame terrifiant que l’on appellera le grand malheur, en patois local « lou gran malur ». Ce fût la plus grande catastrophe maritime jamais enregistrée localement par le nombre de victimes, il se produira à l’extérieur Bassin d’Arcachon, sur la côte du cap Ferret parce que les passes étaient infernales ce jour-là. En effet le 23 mars, huit chaloupes mettent le cap sur les passes pour la grande pêche d’hiver en haute mer, la fameuse « péougue ». Chaque chaloupe à son capitaine et ses 11 hommes d’équipage, la plupart sont nés à Audenge Andernos, Gujan-Mestras, Le Teich ou La Teste-de-Buch. Pendant la journée le vent force et comme d’habitude, les pêcheurs posent 2 km de tramail à une dizaine de kilomètres au large et dorment sur place à l’ancre. Le lendemain la mer a encore grossi, il faut qu’ils rentrent et quand ils arrivent devant la passe, celle deux chaloupes parviennent à s’engager et à entrer dans le Bassin, les six autres : l’Augustine, le jeune Saint Paul, l’Argus, la jeune Aimée, la Clarisse, le Saint François ne peuvent empreinter la passe et doivent faire demi-tour, la mer est largement formée, les lames s’entrechoquent dans tous les sens, la situation devient critique. Les marins se battent contre les éléments jusqu’au 28 mars, ils sont épuisés, à bout de forces, trempés, ils n’ont plus d’abri, plus de nourriture. Le pire c’est que depuis le Cap-Ferret les gens assistent impuissant à la tragédie. Quand la tempête se calme le 28 mars au soir, tout est fini, plus aucune chaloupe à la surface, que des débris retrouvés, des lambeaux de filets, des tonneaux… Ils retrouveront un rescapé, un jeune homme de 17 ans évanoui sur une plage du Moulleau. La tragédie fera 77 morts et laissera 65 veuves et 118 orphelins.

–Lundi 28 décembre 1891 vers midi, lors de son entrée dans les eaux du Bassin d’Arcachon « L’Albatros » navire de pêche à vapeur affrété par la société des pêcheries de l’océan chavire. Une lame le met de travers et très vite un second coup de mer le fait chavirer, projetant 7 hommes à la mer, les 5 autres tentent de s’agripper à la quille, une nouvelle lame les emporte. Un seul des 12 hommes d’équipage sauvera sa peau ce jour-là. La mer rendra 3 corps quelques semaines plus tard, les 8 autres resteront disparus. A terre 9 veuves et 26 orphelins.

-le 03 janvier 1904, alors que les passes sont impraticables à cause du très gros temps, 60 embarcations sont abandonnées en mer et 151 hommes d’équipage sont recueillis à bord du chalutier vapeur  » Saint-Georges « . Un drame à été évité de justesse. Au total 60 embarcations détruites et 0 disparu.

-De 1900 à 1922, 5 navires sombrent, le « Kangourou », le « Paul Larroque », l’ »Etoile de royan », l' »Otarie » et le  » Saint Georges « .

Au fil des années les bateaux vont s’améliorer et se moderniser, les prévisions météorologiques vont être plus fiables et il y aura plus de matériels de sécurité à bord des bateaux, ce qui limiteras les naufrages et les pertes humaines. Mais les passes du Bassin d’Arcachon restent meurtrières.

-Janvier 1988, le « Surcouf » ,3 disparus.

-Janvier 1990, naufrage du « Viking », 2 disparus et 1 rescapé et du « Chanteleine », 3 hommes d’équipages sauvés de justesse.

-Janvier 1994, naufrage du « Sosebayan », un bateau qui revenait de pêche et devait emprunter les passes pour rentrer dans le Bassin, la mer était très dure, il évite 2 grosses vagues, puis une « Bâtarde » qui retourne le bateau, l’incident sera vu par des promeneurs sur la Dune du Pilat qui donneront l’alerte, ils seront secourus par un hélicoptère, le bilan sera de 2 morts et 3 rescapés.

-Décembre 1997, le bateau de pêche « Haura » sera pris par une déferlante et chavire dans la Passe Nord, bilan : 3 rescapés.

-En 2004, le bateau de pêche « Patriot » chavire à l’entrée de la Passe Sud, tous les marins seront secourus.

-En 2010, le fileyeur « Vent Divin » fait naufrage, une faute grave qui conduit à cette catastrophe. En effet, après avoir posé leurs filets, le bateau de pêche se met à l’ancre au large pour la nuit, le capitaine ne trouve pas utile d’organiser le « quart ». Tout le monde dort, dans la nuit l’amarre se casse et le bateau est poussé à la côte, il se fracasse, l’équipages est réveillés en sursaut, il fait nuit noire et la mer est très forte, ils se jettent tous à l’eau, 2 d’entres eux arrivent à rejoindre la côte, les 2 autres marins se noient. Le Capitaine est condamné à un an de prison avec sursis et cinq ans d’interdiction d’exercer le commandement d’un navire.

-En novembre 2020, le Capitaine Nicolas Brin, un marin expérimenté, du fileyeur « Ino » rentre de la marée, il décide d’emprunter la passe du petit trou à la pointe du Cap-Ferret, une passe non balisée qui est utilisée dans certaines circonstances par des navires à petits tirants d’eau. Le capitaine attend un moment d’accalmie entre 2 séries de vagues pour entrer dans le Bassin, c’est à ce moment-là qu’il se retrouve piégé par les déferlantes, il est poussé et mis en travers par les vagues et il chavire. Les 2 membres d’équipage se retrouvent à l’eau, le patron arrive à monter sur la coque et est hélitreuillé tandis que son matelot ne sera pas retrouvé par les secours sur place.

-12 décembre 2020, le bateau de pêche « Steph Annie » chavire dans les Passes à cause d’une bâtarde d’environ 6 mètres, 3 membres d’équipages se trouvent à bord, les 2 matelots qui étaient sur le pont sont éjectés à l’eau et le capitaine se trouve prisonnier dans sa cabine. Après plusieurs tentatives et ne restant qu’une bulle d’air, le patron du navire arrive à sortir, se retrouvant accroché à la coque de son bateau. La balise de détresse s’étant déclenchée, les secours sont entrain d’arriver, ce sera le « Toi et Moi », un autre navire de pêche qui a vu la scène et qui viendra les secourir. Tous au bord de l’hypothermie mais sains et saufs.

Beaucoup d’autres naufrages avec les plaisanciers, les pêcheurs sportifs, les scooters des mers…

Alors quelques éléments sont à prendre en compte avant son passage :

-Regarder le coefficient de marée (plus il est élevé, plus il y a un risque de formation de vagues déferlantes importantes)

-La hauteur de la houle car elle peut former une barrière d’eau quand elle rentre en contact avec les hauts-fonds sableux.

-La direction du vent, surtout quand il vient de l’ouest, peut renforcer le phénomène de la houle.

-La pression atmosphérique, qui peut augmenter la hauteur d’eau.

Attention car une fois engagé, aucun demi-tour ne sera possible sous peine de chavirage.

Conseil avant d’emprunter les passes

-Réviser son bateau et son matériel de sécurité.

-Port du gilet de sauvetage et d’un harnais exigé.

-Appel téléphonique (196) ou par VHF (canal 16) au sémaphore du Cap-Ferret avant d’entrer ou de sortir du Bassin d’Arcachon.

-Il est préférable de posséder une VHF.

-Ne pas franchir les passes de nuit.

Soyez prudent !!